Résumé
La métaphore est le transport d’un mot de sa signification propre à une autre signification. Par elle, on exprime une idée au moyen d’un terme qui normalement en désigne une autre.
Il s’agit parfois d’une façon de rendre le discours plus élégant. D'autres fois, cela répond à une nécessité, parce qu'on manque de mots pour décrire de façon assez claire ce dont on veut parler.
Les sciences sont riches en métaphores et, plus largement, de tropes. Cela vaut aussi pour le droit, alors qu'on s'attendrait au contraire pour cette langue de précision. Mais le droit n'existe pas à l'état naturel : c'est une technique développée par les sociétés humaines pour réduire les conflits. Et justement, comme la plupart des figures juridiques n’existent pas à l’état naturel, pour les rendre plus compréhensibles, il faut les rapprocher de ce qui constitue déjà notre expérience, notamment le corps et ses parties. C’est une façon d’insérer l’indicible dans un cadre familier et, par ce biais, de l’appréhender.
C'est pourquoi souvent on parle d’autre chose pour parler de droit, en recourant à des métaphores et à d'autres tropes, comme lorsque les juristes romains disent « L’esclave ayant été manumis ne perd pas sa tête, parce qu'il n'avait pas de tête ». Un propos apparemment bizarre, mais qui avait une signification précise dans la langue juridique.
Quintilien, maître de l’art du discours, notait que nous avons tous recours à des métaphores, sans en être toujours conscients. C'est à ce même résultat que la linguistique cognitiviste est parvenue ces dernières décennies, notamment avec le livre fondateur de Lakoff et Johnson. Les métaphores – nous expliquent-ils – sont dans la vie quotidienne. Ce qui fait tout leur intérêt est que souvent, sous une métaphore, on devine un concept plus profond, voire une façon de concevoir le monde : par exemple, considérer le temps comme de l’argent ou un procès comme une bataille ou une loi comme pourvue de volonté. C'est en suivant cette voie, qui considère la métaphore corporelle comme un détecteur de modèles culturels, que le cours tentera de pénétrer la mentalité des juristes romains, de remonter à l'origine du droit, et au fond aussi de réfléchir à notre propre façon de penser la justice. Ce premier cours introduira le cadre méthodologique.