Divers organismes possèdent un programme génétique qui permet la formation contrôlée d’un minéral. Ce cours a été consacré à une analyse de l’état des connaissances concernant les processus de biominéralisation impliqués dans les oxydes de fer contenus dans les bactéries magnétotactiques (BMT). Ces bactéries sont des organismes microaérobies, qui ont donc besoin d’un milieu pauvre en dioxygène pour subsister. Pour trouver un milieu favorable à leur croissance, elles ont développé une capacité appelée magnétoaérotaxie, c’est-à-dire qu’elles se servent des lignes de champ magnétique et des gradients d’oxygène pour se déplacer. La migration de ces bactéries le long des lignes de champ magnétique et des gradients d’oxygène leur permet de réduire un problème de recherche tridimensionnelle à un problème unidimensionnel et, de ce fait, contribue à la survie optimisée de ces microorganismes. Ces BMT sont d’excellents modèles permettant l’identification des biomolécules essentielles impliquées dans le contrôle génétique des processus de biominéralisation. Ces bactéries magnétotactiques s’orientent dans le champ magnétique terrestre grâce aux magnétosomes qui sont des organelles spécialisées constituées d’une membrane enveloppant des cristaux ferrimagnétiques (des nano-aimants) de magnétite (Fe3O4) ou de gréigite (Fe3S4) nanométriques selon les souches. Le contrôle physico-chimique de la biominéralisation est réalisé par compartimentalisation dans des vésicules phospholipidiques constituant la membrane des magnétosomes qui provient de l’invagination de la membrane cytoplasmique. La membrane des magnétosomes est associée à un ensemble spécifique de protéines appartenant aux familles : tétratricopeptide p., CDF : transporteur facilitant la diffusion des cations, HtrA-like sérine protéase, Actin-like protéine, transporteurs génériques et d’autres protéines spécifiques aux BMT. L’analyse des phénotypes de bactéries magnétotactiques provenant de différentes souches montre une convergence sur 28 gènes communs spécifiquement impliqués dans la magnétotaxis. La plupart des gènes impliqués dans la formation des magnétosomes sont assemblés en opérons localisés dans un îlot génomique nommé MAI (MAgnétosome Island) qui présente des caractéristiques structurales et compositionnelles communes à plusieurs BMT. Le « mini MAI » présente aussi des différences dans le contenu et l’organisation de ses gènes qui rendent compte de la diversité morphologique et des arrangements des nanocristaux magnétiques observés dans les différentes souches de BMT. Le rôle et les fonctions principales d’un certain nombre de ces gènes sont aujourd’hui bien connus. Par exemple, le MamGFDC régule la croissance des nanocristaux de magnétite, les MamK et MamJ contrôlent l’assemblage et le collage des chaînes de magnétosomes. Bien que des avancées majeures aient été réalisées dans l’identification des déterminants génétiques impliqués dans la synthèse et l’organisation des magnétosomes, et que dans certains cas la synthèse de ces organites peut être globalement décrite, de nombreux progrès restent à faire. En particulier, des expériences in vitro indiquent que les paramètres physico-chimiques dominent au sein de l’organelle magnétosomique au moment de la formation de la magnétite. Par exemple, la concentration en fer ainsi que la valeur de pH ont été évaluées indirectement sur la base de comparaisons entre les mécanismes de formation par synthèse chimique et biologique. Cependant, des mesures directes de la valeur du pH, du potentiel d’oxydoréduction et de la concentration en fer seraient nécessaires pour confirmer l’hypothèse selon laquelle la minéralisation et la biominéralisation suivent des voies similaires. D’un point de vue biologique, bien que l’ensemble minimal de gènes nécessaires à la formation de la magnétite ait été identifié, l’ensemble minimal de gènes pour réguler la taille de la magnétite n’est pas encore parfaitement connu. Les gènes contrôlant le nombre de particules de magnétosomes n’ont pas été identifiés et les gènes responsables de la morphologie des magnétosomes restent complètement inconnus, en partie parce que les systèmes génétiques associés aux bactéries ayant des morphologies anisotropes ne sont pas encore établis. Cependant, cette tâche est entravée par le fait qu’un seul gène n’est certainement pas seul responsable d’une propriété donnée, ce sont probablement des complexes de protéines qui in fine réalisent le travail. De tels complexes sont bien sûr plus difficiles à identifier, en partie parce que certains gènes avec des fonctions redondantes sont cachés, ou peuvent être localisés en dehors des îlots génomiques de type MAI.
16:30 à 17:30
Cours
Nano-aimants naturels
Clément Sanchez