Cette première conférence introduit les concepts de base de la pensée évolutionnaire et examine leur force explicative par rapport au droit. Il n’existe pas de théorie unique et dominante de l’évolution qui soit pertinente en droit, mais plutôt une famille d’idées et de modèles interdépendants. En principe, les modèles génétiques peuvent présenter un intérêt pour le droit par analogie ou par métaphore, plutôt que comme des descriptions de phénomènes juridiques ou autres phénomènes sociaux. Nous devons faire très attention à examiner de près les revendications concernant l’influence directe de facteurs génétiques sur les institutions sociales, à l’instar des disciplines de la « sociobiologie » ou de la « psychologie évolutionnaire ». Bien qu’il soit évident qu’il existe un fondement génétique ou un « substrat » à tout comportement humain, nous ne disposons d’aucun moyen fiable de savoir dans quelle mesure les facteurs génétiques influencent les structures institutionnelles observées dans la société moderne, ni de bases théoriques ou empiriques valables pour croyant que la variation génétique humaine se reflète dans la diversité interculturelle et transnationale que nous observons aujourd’hui. Une hypothèse plus modeste et défendable, et donc plus utile, est que les institutions humaines ont des propriétés évolutionnaires ressemblant aux mécanismes identifiés dans les sciences biologiques. Cependant, nous ne devrions pas imaginer que les mécanismes de l’évolution sociale soient identiques à ceux des processus sous-jacents opérant dans la nature.
Avec ces mises en garde, une version de l’algorithme darwinien de « variation, sélection et rétention » peut expliquer la manière dont les règles juridiques évoluent en fonction des changements dans leurs environnements économiques, politiques et technologiques. Ce modèle s’harmonise bien avec la « path-dependence » du droit et rend également compte de la fonction cognitive du système juridique, c’est-à-dire du sens dans lequel les règles et les concepts utilisés dans le raisonnement juridique permettent de conserver et d’appliquer des connaissances sociales utiles. Le modèle est très éloigné de la notion de l’évolution du droit selon « l’évolution vers l’efficience », comme le laisse supposer la littérature moderne sur l’analyse économique du droit : le changement juridique est plutôt sujet aux erreurs et chaotique, sans garantie d’un résultat optimal. Cela dit, le droit du type de celui qui a évolué parallèlement à l’essor contemporain de l’économie de marché et de l’État de droit a des propriétés qui favorisent largement le maintien de l’ordre démocratique-libéral. Le rôle du droit ne se limite pas à la stabilisation des attentes économiques, aussi important soit-il. L’ordre juridique est également l’un des garants ultimes d’une participation effective des citoyens et des groupes à la vie sociale et économique du système politique.