Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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Cette quatrième conférence examine l’impact croissant du droit de la numérisation et de l’intelligence artificielle (IA). 

Elle avance l’hypothèse qu’il existe des limites à la calculabilité du raisonnement juridique et, partant, à l’utilisation de l’apprentissage automatique et des fonctionnalités connexes des systèmes d’IA pour reproduire les processus centraux du système juridique. L’apprentissage automatique utilise des fonctions mathématiques pour effectuer des tâches d’analyse et de classification. Dans les approches « d’apprentissage approfondi », les données sont organisées en concepts exprimés de manière hiérarchique, les concepts plus complexes étant construits à partir de concepts plus simples. La classification des données en concepts est réalisée grâce à l’utilisation de pondérations dont les valeurs sont ajustées au fil du temps, à mesure que le système reçoit de nouvelles entrées. Grâce à ses opérations récursives, le système « apprend » ou s’auto-ajuste, de sorte que, en principe, les erreurs sont progressivement purgées du système.  Il y a ici plus qu’une ressemblance superficielle avec le fonctionnement du système juridique, mais il existe également des différences cruciales et surtout des limites quant à la mesure dans laquelle les catégories linguistiques de la pensée juridique peuvent être exprimées sous forme mathématique.

Le projet d’application de l’apprentissage automatique au droit a le but d’un système juridique parfaitement complet, c’est-à-dire un système dans lequel le contenu et l’application des règles peuvent être entièrement spécifiées, quelle que soit la diversité et la variabilité des circonstances sociales dans lesquelles elles se déroulent. Dans ce monde de la « singularité juridique », le droit opère dans un perpétuel équilibre entre faits et normes. Avancé comme une réponse à l’incomplétude et à l’éventualité du droit, le projet de la singularité légale est également une proposition visant à éliminer le raisonnement juridique comme base du règlement des litiges et de la répartition des pouvoirs, des droits et des responsabilités. En tant que tel, il risque de saper l’une des principales institutions d’un ordre démocratique-libéral. Pour éviter un tel résultat, il faudra réfléchir à la définition de limites à l’utilisation de l’apprentissage automatique et d’autres approches fondées sur des données dans l’administration du droit. En dernière analyse, le succès de ces mesures dépendra de la capacité du droit à maintenir l’autonomie de ses opérations face à un changement technologique global, résultat qui est loin d’être garanti.