Pendant la Renaissance, l’idée du tragique était puisée dans les pièces de Sénèque plutôt que dans les tragédies grecques. Ceci est particulièrement vrai quand les dramaturges se trouvent en accord avec la mentalité de Sénèque. Nous pouvons d’ailleurs mieux comprendre les tragédies de Sénèque quand nous examinons les drames de la Renaissance qui les ont utilisées comme modèles. De cette façon le phénomène de la réception fonctionne de façon bidirectionelle, éclairant le passé et le présent.
Ma méthode a consisté à examiner deux pièces dans lesquelles les auteurs ont lié la matière prise chez Sénèque à celle qui était empruntée à Sophocle. Le premier exemple analysé est une pièce française de Robert Garnier, montrée et publiée en 1580, dont le titre est Antigone ou la Piété ; le deuxième exemple est une tragédie anglaise très populaire de John Dryden et Nathaniel Lee, qui s’appelle Œdipus, A Tragedy, qui a été montrée en 1678 et publiée l’année suivante. J’ai démontré comment Garnier a tiré sa conception du rôle d’Antigone des tragédies Œdipe et Les Phéniciennes de Sénèque. J’ai souligné les éléments de la pièce de Sénèque qui ont attiré Garnier. Dans le cas de l’Œdipus de Dryden et Lee, j’ai expliqué comment les auteurs ont vivifié le drame de Sophocle par l’insertion de la matière empruntée à Sénèque, en particulier par la scène de nécromancie. Il est d’ailleurs curieux que dans leur préface les auteurs critiquent Sénèque et aussi Corneille, alors qu’en fait ils empruntent des éléments importants à ces deux dramaturges.