Une des questions principales que doit affronter celui qui veut relever le défi de (re)traduire l’Énéide est le choix de la forme métrique à utiliser dans la langue-cible : le traducteur doit-il, ou ne doit-il point, chercher une forme qui reproduise l’hexamètre dactylique de Virgile ? J’ai relevé la grande variété des stratégies utilisées dans les traductions écrites en écossais, en anglais, en français, en italien et en russe pendant la période qui va du XVIe au XIXe siècle.
Pendant cette longue période, nous pouvons répertorier des variantes : couplets héroïques, vers blancs non rimés, « fourteeners », alexandrins français et russes, mètre des ballades, octosyllabes, ottava rima, anapestes et hexamètres. La tâche était donc d’analyser et d’interpréter le sens idéologique qui anime et inspire ce mélange varié : j’ai recherché et analysé les paradigmes culturels qui sont évoqués par le choix de chacune de ces formes métriques. À mon avis, il y a au moins deux points de vue pour apprécier le choix d’un mètre de traduction : l’axe passé/présent, et l’axe domestique/étranger. Il s’ensuit que les deux questions que ces choix soulèvent sont de savoir, d’un côté, si le mètre choisi par le traducteur utilise l’idiome couramment utilisé pour l’épopée, ou bien s’il se propose d’offrir des résonances de la poésie antique ; de l’autre, si un tel mètre appartient à la langue vernaculaire propre au traducteur, ou bien s’il est emprunté à une culture étrangère qui est présentée comme un modèle de sophistication.