Conférencier invité

La liturgie longue zoroastrienne

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La liturgie longue est le rituel par excellence de la communauté mazdéenne et vraisemblablement son fondement identitaire. Cette cérémonie complexe connaît plusieurs variantes, dont la plus basique est celle que nous appelons Yasna, et une plus solennelle Yašt ī Wisperad. Sur la base de la variante solennelle, on célèbre aussi des cérémonies plus complexes : la cérémonie du Widēwdād et celle du Wištāsp Yašt, dans lesquelles quelques textes sont intercalés parmi les textes centraux de la cérémonie, écrits dans une langue plus ancienne que le reste de la liturgie. Il y a en outre des parties de la cérémonie qui changent selon le jour de la célébration, la divinité à laquelle elle est dédiée ou le but de la cérémonie. Pourtant, seule la liturgie quotidienne a été éditée. Pour les autres n'existent que des éditions partielles, qui, malheureusement, ne suffisent pas à reconstruire la liturgie dans toute sa variété, telle qu'elle fut célébrée du XIIIe au XVIIe siècle. De plus, les manuscrits liturgiques n’incluent pas seulement les récitatifs en langue avestique, mais aussi des instructions rituelles (en pehlevi, pāzand ou gujarati) essentielles pour connaître la cérémonie, et qui n'ont jamais éditées non plus.

Les raisons de ce manque doivent être cherchées dans l’histoire des études avestiques et des éditions des textes avestiques, lesquelles ont toutes été réalisées dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Pour les premiers éditeurs de l’Avesta, Spiegel et Westergaard, les textes avestiques ne sont pas des textes liturgiques, même si quelques-uns parmi eux ont fini par être utilisés rituellement. Par conséquent, ils considèrent que les manuscrits originaux ne sont pas les textes liturgiques avec des instructions rituelles, mais les manuscrits exégétiques qui contiennent le récitatif avestique avec une traduction de ce dernier en pehlevi. Une telle analyse a bouleversé la situation originale puisque l’on sait aujourd’hui que les manuscrits originaux sont bien les manuscrits liturgiques, desquels sont extraits les manuscrits exégétiques. Les exégétiques ne montrent le texte complet que pour la liturgie quotidienne. Pour le reste des variantes, les exégétiques n’incluent que les sections qui avaient besoin d’une traduction parce qu’ils n’apparaissent pas dans la liturgie quotidienne. Ce sont les fragments inclus dans les éditions modernes.

Pour les auteurs de la fin du XIXe siècle, comme Darmesteter et Geldner, l’auteur de l’édition canonique des textes avestiques jusqu’à aujourd’hui, la situation était plus compliquée : la publication des textes pehlevis décrivant le Grand Avesta sassanide a mis en évidence que les textes avestiques que nous avons ne sont pas identiques au Grand Avesta sassanide. On a reconnu que nos textes étaient les récitatifs d’une liturgie qui existait déjà à l’époque sassanide. Pourtant, cette constatation n’a pas eu de conséquences pour l’édition de Geldner, déjà presque achevée à ce moment. Pendant le XXe siècle, jusqu’à la parution de l’article du Pr Kellens dans le Journal asiatique en 1998, on a ignoré cette constatation et considéré l’emploi rituel des textes avestiques de la liturgie longue comme secondaire.