Résumé
La crise financière mondiale a entraîné des préjudices sans précédent pour des millions de personnes qui ont perdu leur épargne, leur entreprise, leur emploi et leur foyer. Les conséquences de la crise financière sont nombreuses ; ici je me concentrerai sur deux des enseignements à en tirer. Le premier est que les « chiffres » à eux seuls ne suffisent pas à circonscrire le risque systémique. Le second est que les crises financières ont des effets négatifs directs sur d’autres aspects de nos vies, notamment sur le plan social, environnemental et économique.
Les chiffres sont rassurants. Dans un monde où tant de choses échappent à notre contrôle, l’idée de pouvoir prendre des décisions en mesurant l’« efficacité » d’une stratégie est particulièrement séduisante. On retrouve cette idée dans les théories de la gouvernance d’entreprise, qui reposent sur la conviction que les gestionnaires ont l’obligation de « maximiser » la richesse des actionnaires ; en effet, on s’imagine pouvoir faire une évaluation chiffrée de l’efficacité de la gouvernance d’entreprise. Cependant, d’un point de vue conceptuel, l’incertitude demeure, ce qui soulève des questions quant au pouvoir exercé par les sociétés, l’équilibre entre les intérêts des investisseurs, qui ont tous des échéances différentes, et le soin légitime que les dirigeants d’entreprises doivent apporter aux affaires des parties prenantes autres que les actionnaires. La tendance sur les marchés est de tout réduire à des chiffres ; ce faisant, on néglige le rôle du facteur humain dans la prise de décision. Les produits financiers qui ont proliféré sur les marchés, tels que les instruments dérivés, les prêts hypothécaires à risque et les créances titrisées ont causé un grand tort aux citoyens ordinaires. Les préjudices entraînés par la crise ont eu des répercussions générales en termes de pertes financières ; en revanche, un petit groupe de privilégiés a gagné des millions, sans se soucier des torts qu’ils infligeaient.
Les causes sous-jacentes à la crise financière étaient complexes : elles étaient liées à l’interaction entre produits financiers structurés, lacunes réglementaires et manque de compréhension du risque systémique [1]. La titrisation, qui à l’origine était un moyen de gérer les risques, a abouti à une situation dans laquelle la banque, après avoir perçu les frais liés à un prêt, se défaisait du risque en le répartissant entre plusieurs tranches et en vendant les droits à des citoyens ordinaires comme s’il s’agissait d’investissements peu risqués, alors qu’en réalité le risque était très élevé. Un autre problème est que les institutions financières avaient acheté « swaps sur défaillance de crédit ». L’objectif initial de ces contrats de gérer les risques a été supplanté par l’apparition d’un marché spéculatif. Contrairement à une assurance habitation, qui couvre seulement la valeur du logement afin de décourager des agissements tels que provoquer un incendie pour être indemnisé, il n’y a pas de limites au montant du versement des CDS, ce qui est une incitation à précipiter l’effondrement des entreprises.