Ce colloque est organisé les 12 et 13 octobre 2023 à l'Institut des Civilisation du Collège de France. L'entrée se fait sur pré-inscription dans la limite de 50 places.
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Institut des Civilisations du Collège de France
Salle de conférence
52, rue du Cardinal Lemoine
75005 Paris
Présentation
L’année 2023 voit la célébration des quatre-vingts ans de la publication simultanée du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry en français et en traduction anglaise à New-York au mois d’avril 1943. Il apparaît que ce petit livre est l’un des ouvrages les plus traduits au monde. On évoque le nombre de 552 langues et dialectes (cf. la page « Le Petit Prince – Collection » du site de la fondation Jean-Marc Probst) ce qui le met dans une tout autre dimension que les grands succès de librairie conventionnels, comme Agatha Christie par exemple, dont l’ensemble de la vaste production romanesque comprenant plusieurs dizaines de titres est traduite en 103 langues « seulement ». On rapprochera ce chiffre de celui des versions de la Bible : 733 pour le texte complet, plus de 1 600 pour le Nouveau Testament. Le Petit Prince se situe ainsi dans une catégorie à part de la littérature universelle, entre les textes religieux et la littérature de grande diffusion.
Si l’on examine la liste des langues et dialectes des traductions du Petit Prince, on découvre des faits plus étonnants, qui ne font que mettre en relief la singularité de cette œuvre, ou plutôt de la réception qui fut la sienne et qui la place à part des œuvres littéraires de grande diffusion. L’un des plus évidents est le nombre important des retraductions dans les grandes langues de diffusion. De ce point de vue, l’exemple des langues de l’Asie Orientale est très frappant : plus de soixante traductions en chinois « mandarin », plus de quarante en coréen, plus de vingt en japonais, sans parler des variétés locales ; seuls les textes religieux peuvent se prévaloir d’un tel nombre de retraductions. L’autre fait singulier est le choix des langues-cible des traductions. Ce ne sont pas les langues d’ordinaire visées par les éditeurs, dans lesquelles un nombre indéfini de retraductions est possible, et nous pourrions les répartir en plusieurs groupes :
- les langues, variétés et parlers comportant très peu de locuteurs, encore moins de lecteurs potentiels, comme l’ouïlta (une langue toungouse parlée par moins de 50 personnes) ou l’aïnou (dont tous les locuteurs de naissance ont sans doute à présent disparu) ;
- les langues minoritaires avec un nombre variable de locuteurs allant de plusieurs millions à quelques centaines, mais qui ne sont que rarement mises par écrit : de l’aymara au rapanui, les langues du groupe maya, les langues laponnes (sames), une palette unique de langues africaines ou américaines, asiatiques ou sibériennes, polynésiennes ou himalayennes. On peut mettre également dans cette rubrique d’innombrables variétés italiques, gallo-romanes ou alémaniques très peu imprimées.
Il se trouve en plus un groupe de langues tout à fait singulier : il s’agit des versions du Petit Prince en langues anciennes, entre lesquelles on pourrait faire de plus subtiles distinctions :
- des langues anciennes disparues, mais suffisamment attestées pour inciter à leur reconstitution entre les mains de philologues enthousiastes : le gotique, le vieux-prussien, le cornique ;
- des traductions en des états anciens de langues actuelles que l’on n’a pas l’habitude de cultiver : le français du XIIe siècle, l’anglo-saxon, le vieux haut-allemand ;
- il y a enfin des langues anciennes et classiques : le sanscrit, le grec ancien, le syriaque, le latin, voire l’égyptien hiéroglyphique.
Ce survol rapide montre qu’une part importante de l’histoire des traductions du Petit Prince, tout à fait distincte des autres grandes œuvres littéraires au succès international, pourrait être regroupée sous le terme général de « traduction en langues rares » et qu’elle se superpose de façon remarquable avec la sphère d’intérêt et d’activité de l’ILARA.
Si le Petit Prince fait depuis plusieurs années l’objet d’études diverses en traductologie et en didactique des langues, il ne semble pas que l’on ait déjà engagé une étude d’ensemble sur ce phénomène de traduction dans les langues et dialectes mentionnés ci-dessus, marqués tous par une forme de rareté au regard des grandes langues de traduction.
Il sera donc d’une grande portée symbolique de marquer les premières années d’activité de l’ILARA en l’associant à la commémoration du quatre-vingtième anniversaire de la publication du Petit Prince à New-York et en plaçant cet événement sous le signe de la traduction dans les langues rares. Les nombreuses traductions du Petit Prince recouvrant la plus grande partie de ce que l’on peut entendre par « langues rares », ce sera l’occasion de montrer que la création de l’ILARA répond à un besoin profond au regard de la situation linguistique du monde actuel : la nécessité d’affirmer et d’illustrer l’existence de langues qui risquent de se trouver ignorées ou mises à l’écart des grands courants culturels et sociaux. Qu’il s’agisse d’enrichir des langues en danger ou de faire revivre des idiomes disparus, l’aventure linguistique et philologique représentée par les traductions du Petit Prince a toute sa place à l’Institut des Civilisations du Collège de France.
Institutions partenaires
- Centre d’Etudes Japonaises, Institut des Civilisations, Collège de France
- Fondation Hugot du Collège de France
- Succession Saint Exupéry – d’Agay
- Fondation Jean-Marc Probst pour Le Petit Prince
- ILARA
- Institut Universitaire de France
- Labex EFL
- LLACAN (UMR 8135-CNRS/EPHE/Inalco)