L’océan peut-il amplifier les changements climatiques ou les réguler ? En collaboration avec Ros Rickaby de l’université d’Oxford, nous venons d’apporter quelques nouveaux éléments à cette question (Bard & Rickaby, 2009, Nature). Nos travaux sont focalisés sur un problème encore débattu, mais fondamental en climatologie : la relation CO2-température aux échelles de temps glaciaires-interglaciaires et les rétroactions de l’océan. Nous proposons un mécanisme d’amplification lié à la « route chaude » du retour de la circulation océanique à grande échelle, baptisée abusivement circulation thermohaline mondiale et souvent représentée, pour la simplifier à l’extrême, par un énorme « tapis roulant » connectant les différents bassins profonds des océans Atlantique, Indien et Pacifique.
Pour ce faire, nous avons étudié le rôle de la variabilité spatio-temporelle du courant des Aiguilles (Agulhas Current) et de ses dépendances (rétroflexion et tourbillons), notamment le courant marin d’eaux chaudes et salées qui passent en surface de l’océan Indien à l’océan Atlantique, au sud de l’Afrique. Il s’agit d’un phénomène océanographique assez complexe, qui prend sa source dans le détroit du Mozambique, entre Madagascar et le continent africain. Dans cette région, un courant chaud de surface, le courant des Aiguilles – analogue au Gulf Stream ou au Kuroshio dans le Pacifique – descend vers le sud le long des côtes de l’Afrique. Pour l’essentiel, il repart vers l’est un peu au sud de Madagascar (courant de rétroflexion). Mais une partie s’échappe vers l’ouest en se manifestant par des tourbillons, ou anneaux, d’eaux chaudes et salées qui passent le cap de Bonne Espérance et viennent se mêler aux eaux de surface de l’Atlantique Sud. Cette « route chaude » est étudiée aujourd’hui par les satellites qui observent la topographie de l’océan, ainsi que ceux qui regardent la « couleur » des eaux de surface pour en déduire leur température (IR) ou leur teneur en chlorophylle.