Présentation de la chaire
Les contributions scientifiques de Denis Duboule touchent à la génétique moléculaire du développement des vertébrés, avec des interfaces en génétique médicale, biologie de l’évolution et régulation de la transcription. Depuis 1985, il a publié plusieurs découvertes liées au développement et à l’évolution du plan du corps des vertébrés, plus particulièrement concernant la famille des gènes Hox. En 1986, son laboratoire publie le clonage et l’organisation du premier grand cluster génomique de gènes Hox chez la souris. En 1988, en collaboration avec Steve Gaunt, il décrit l’expression colinéaire des gènes Hox chez les mammifères, étendant ainsi cette propriété découverte par Ed Lewis des diptères aux vertébrés et autres deutérostomes. En 1989, observation de la colinéarité temporelle (Hox clock), soit le même principe de colinéarité mais appliqué au temps d’activation des gènes. En 1989, avec Robb Krumlauf, son laboratoire rapporte la conservation de la structure du système homéotique entre les mouches drosophiles et les vertébrés ; un complexe homéotique unique existait chez l’animal à l’origine des protostomes et des deutérostomes. En 1989 et 1991, le même système génétique (gènes Hox) est coopté et recyclé pour la spécification de plusieurs structures axiales, en particulier des membres et des organes génitaux externes. L’extension de ce travail aux oiseaux, en collaboration avec Cheryll Tickle et Lewis Wolpert montre le haut degré de conservation de la fonction et de la régulation de ces gènes chez les vertébrés. En 1991, le concept de « prévalence postérieure » est proposé, qui décrit la hiérarchie fonctionnelle des protéines Hox.
En 1994, il propose le concept du « phylotypic egg-timer » (Developmental hourglass) proposant que les paysages phénotypiques sont réduits durant une période courte du développement des vertébrés la « progression philotypique », période au cours de laquelle les embryons de tous les vertébrés expriment des caractéristiques communes, résultantes de l’existence de contraintes maximales. En 1994 également, il propose que les gènes Hox agissent comme une horloge. Par conséquent, tous les animaux se développant selon une progression temporelle antéro-postérieure « doivent » avoir au moins un complexe entier de gènes Hox. En 1995, la description des gènes Hox chez le poisson zèbre pendant le développement des nageoires conduit à un modèle de la transition évolutive de la nageoire au membre des tétrapodes, dans lequel les doigts sont des innovations des tétrapodes, sans structures homologues chez les poissons.
Depuis 1997, Denis Duboule a approché la question des mécanismes qui sous-tendent la colinéarité des gènes Hox en utilisant la génétique moléculaire de la souris. Ces gènes sont contrôlés à un niveau global, qui tient compte de leurs positions respectives sur le chromosome. Son laboratoire met alors au point les techniques TAMERE et STRING pour produire une grande série allélique au locus HoxD, qui conduira aux concepts de « paysages » ou « d’archipels » de régulation qui mettent en œuvre les mécanismes de colinéarité pendant le développement des membres. Denis Duboule a également étudié en détail le processus de l’horloge Hox pendant la formation de l’axe principal du corps. Cette horloge est associée à une transition dans la structure de la chromatine, accompagnée par le passage successif de chacun des gènes Hox d’un domaine négatif vers un domaine actif.
L’importance et la signification de ces observations pour notre compréhension de la régulation génétique pendant le développement et des mécanismes de l’évolution morphologique sont discutés dans plusieurs revues et ouvrages généralistes.