Invité par l'assemblée du Collège de France sur proposition de la Pr Anne Fagot-Largeault.
Tout jeune, Patrick Suppes servit dans l'armée américaine lors de la seconde guerre mondiale, en Asie, dans les services de la météorologie. Sa formation en physique et mathématiques lui avait permis de suivre une formation militaire spécialisée en hydrodynamique. La manière dont les météorologistes synthétisent des données empiriques complexes à l'aide de l'outil mathématique reste l'un de ses modèles scientifiques de référence. Après la guerre, il fit un doctorat de philosophie à l'université Columbia, New York; son directeur de recherche fut Ernest Nagel. Depuis cinquante ans il enseigne la philosophie des sciences à l'université Stanford, Californie. Il est l'un des rares philosophes contemporains à avoir une oeuvre scientifique: ses articles publiés sur la théorie de la mesure, sur le traitement des variables cachées en mécanique quantique, sur les modèles linéaires d'apprentissage utilisés par les psychologues, ont eu une large influence. Il pense que le rôle d'un philosophe n'est pas de concurrencer les scientifiques sur leur propre terrain, mais de clarifier les présupposés inhérents au travail scientifique. Il a ainsi participé au grand débat des années 1970 sur les "fondements" de la théorie mathématique des ensembles, et à la réflexion sur les "axiomes" de la décision rationnelle proposés pour formaliser le comportement des acteurs de la vie économique. Très tôt intéressé par l'usage de l'ordinateur à des fins d'enseignement, il avait monté sur le campus de Stanford un laboratoire où se mettaient à l'étude des logiciels d'apprentissage de la logique, et des langues. Ce même laboratoire est aujourd'hui engagé dans un programme de recherche en neurosciences, qui se propose de cerner, par des méthodes d'enregistrement et d'analyse statistique, les corrélats cérébraux des représentations mentales. Parallèlement, Patrick Suppes le philosophe réfléchit depuis plusieurs années sur le vieux problème du "libre arbitre", et sur la façon dont ce problème est radicalement modifié par le fait que l'on sait aujourd'hui définir des situations empiriques dans lesquelles il est impossible de trancher entre l'hypothèse déterministe et celle d'un comportement aléatoire.
Le Pr. Suppes a été plusieurs fois invité au Collège de France. D'aucuns se souviennent des conférences qu'il fit en 1979, à l'invitation du Pr. Vuillemin, et qui donnèrent lieu à la publication du livre Logique du probable (Flammarion, 1981). En novembre 2005, invité cette fois à l'initiative du Pr. Fagot-Largeault, il a donné, devant une assistance nombreuse et attentive, une conférence publique intitulée « Neuropsychological foundations of philosophy ». Dans le sillage de cette conférence, la chaire de philosophie des sciences biologiques et médicales a organisé deux séances de séminaire avec l'équipe du Pr.Olivier Dulac (Hôpital Necker) et du Dr. Catherine Chiron (lnserm U663, 'Épilepsies de l'enfant et plasticité cérébrale'), qui travaille sur le retentissement cognitif de certaines épilepsies sur le cerveau en développement. Le Pr. Patrick Suppes a présenté aux cliniciens quelques éléments des recherches poursuivies dans son laboratoire sur les isomorphismes structuraux entre les mots et leurs représentations cérébrales. De leur côté, les Drs. Lucie Hertz-Pannier (Inserm U663 et Hopital Necker), Christine Bulteau (Inserm U663 et Fondation Rothschild), Mathieu Milh (Inserm U29), et Isabelle Jambaqué (Institut de psychologie de Boulogne - Université Paris-5) ont donné respectivement des présentations sur l'apport de l'imagerie à la visualisation des réseaux neuronaux normaux et pathologiques au cours du développement du langage chez l'enfant, le développement cognitif après hémisphérectomie, le développement des réseaux sensori-moteurs, et le développement de la mémoire. À la discussion fort animée qui a suivi ont participé les Prs. Henri Korn, Pierre Buser, Robert Naquet (Académie des sciences) et le Pr. Alain Leplège (Univ. Paris-7). Enfin, comme il l'avait fait de façon informelle lors d'un de ses passages à Paris en 2002, le Pr. Suppes s'est de nouveau prêté au jeu des questions et des réponses avec les jeunes doctorants du Groupe de travail sur l'éthique et la philosophie des sciences (GTEPS). À l'occasion de cette nouvelle visite, le Pr. Suppes s'est vu remettre la médaille du Collège de France.