Gabriel Millet est nommé professeur titulaire de la chaireEsthétique et histoire de l’art du Collège de France le 20mai 1926, succédant à André Michel (1920-1925) dont la chaireHistoire de l’art français fut ainsi retitrée. En 1924, Millet avait déjà présenté sa candidature pour une chaire intitulée Archéologie du Proche-Orient médiéval mais celle-ci n’avait finalement pas été créée. En 1926, l’assemblée des professeurs semble avoir préféré un intitulé large et général, retrouvant ainsi la nomenclature des chaires de Charles Blanc (1878-1882), Eugène Guillaume (1882-1905) et Georges Lafenestre (1905-1919). À l’occasion de ce vote, une large majorité de professeurs assume le choix d’un spécialiste de l’art chrétien d’Orient dont les travaux antérieurs soulignent toutefois le rôle joué par les modèles de l’Orient sur l’art de l’Occident dans les domaines de l’architecture, de sa décoration, de la peinture ou de l’enluminure.
Professés deuxfois par semaine jusqu’à sa retraite en 1937, les cours de Gabriel Millet suivent une orientation du général vers le particulier. Ainsi, de 1927 à 1930, Millet consacre quatreannées à l’étude des thèmes de la peinture religieuse et de son évolution stylistique d’une part, et à l’étude des manuscrits enluminés en Orient d’autre part. En 1930 s’effectue une césure, la période qu’il nomme la «Renaissance byzantine» du XIVesiècle faisant l’objet d’une étude durant plusieurs années (1930-1932) et permettant de s’attacher à des œuvres remarquables issues de Russie ou de Serbie. Ainsi, à compter de 1931, Millet privilégie désormais une approche géographique: architecture byzantine, slave et roumaine (de 1931 à 1933), peinture de Macédoine (1933), de Serbie (1934-1935) et enfin de Syrie (1934).
Dès son élection, Millet accorde des conférences à l’étranger mais ses voyages sont souvent étroitement liés à ses recherches. Missionné par le ministère de l’Instruction publique en 1930 au mont Athos, il y complète la documentation amassée en 1918-1920; en 1934, les gouvernements français et yougoslave, ainsi que l’Institut archéologique bulgare financent des missions d’étude consacrées aux églises des XIIe au XVesiècles, respectivement en Serbie et en Bulgarie.
Dans son enseignement sur la peinture religieuse, tout en soulignant la survivance de la manière antique dans le traitement de l’architecture, des paysages et de la figure humaine, Millet soutient une théorie de la succession des styles: le pittoresque hellénistique est remplacé par un style sévère et classique sous l’influence des théologiens (Millet convoque largement les doctrines théologiques et mystiques pour expliquer l’iconographie et son articulation architecturale), puis un dernier style pittoresque éclot grâce aux humanistes de la «Renaissance byzantine» du XIVesiècle dont les prémisses remontent au XIIesiècle et qui vise à inscrire l’homme dans son milieu en s’inspirant des modèles antiques. Il insiste particulièrement sur l’existence, à partir du XIIesiècle, de plusieurs centres artistiques hors de Constantinople, certains comme la Serbie étant confrontés aux Primitifs italiens. S’il met en avant la notion d’école régionale ou de groupe national, il cherche aussi à comparer et mettre en évidence des filiations et des relations en s’affranchissant des frontières et en mettant en exergue les thématiques des programmes décoratifs.
Notice rédigée par Marc Verdure (Collège de France – Institut des Civilisations).