La conférence traite de la vie commune de deux communautés différentes au point de vue ethnique et religieux, au sein de l’Empire ottoman. Cette vie commune continue jusqu’à nos jours. La Bulgarie est en effet l’État le plus « musulman » de l’Union européenne. À côté de Bulgares chrétiens orthodoxes, les musulmans constituent plus d’un dixième de la population. Cet « héritage humain » de la domination ottomane (1396-1878) est assez hétérogène. Les neuf-dixièmes, environ, sont Sunnites hanafis ; ceux que l’on désigne comme Kizilbachs ou Alévis relèvent de la mouvance chiite. Les trois-quarts environ sont des « Turcs bulgares » ; les « Pomaks » sont bulgarophones ; les Tatars forment une très petite communauté ; environ cent mille Tsiganes ou Roms sont musulmans. L’appartenance religieuse commune crée entre eux des liens de solidarité plus ou moins forts selon les cas.
Les musulmans apparaissent en Bulgarie avec la conquête ottomane. On a pu la lire comme un affrontement entre nomades et sédentaires, bien que cette opposition soit très réductrice. Graduellement, l’islam impose ses coutumes et attire une partie des Bulgares chrétiens : par la force (l’impôt du sang, « le devchirmé » qui recrute les futurs janissaires), par la propagande et par les privilèges sociaux et matériels accordés. Le pays prend une apparence orientale.
Le pouvoir ottoman divise la population des Balkans en deux grandes communautés, millets, selon leur appartenance religieuse – celle des musulmans et celle des chrétiens. Officiellement, les Bulgares orthodoxes, membres du Rum milleti, sont « protégés » (dhimmis), mais, en réalité soumis et souvent traités d’« infidèles » (ghiaours). Les autorités insistent sur une stricte séparation entre les deux communautés et l’inégalité est ressentie à tous les niveaux.