Colloque de rentrée 2010-2011
Le plan campus et la constitution des PRES (Pôles de recherche et d'enseignement supérieur), complétant les réformes antérieures de l'Université et du CNRS, ont enclenché un mouvement sans précédent de concentration de la recherche française afin de lui permettre de se maintenir au premier rang d'une compétition internationale aujourd'hui élargie aux grands pays émergents.
La compétition internationale n'est pas seule en cause. La recherche fondamentale a connu dans les dix dernières années des bouleversements qui poussent à la constitution de centres suffisamment importants pour justifier l'achat et le coût de fonctionnement très élevé des équipements de plus en plus performants nécessaires à sa pratique. Toutes les disciplines sont touchées, y compris les disciplines de sciences humaines et sociales complètement transformées par l'introduction de l'informatique et des publications électroniques. L'utilisation des équipements lourds d'usage désormais courant en biologie et médecine (séquençage du génôme, imagerie etc.), en physique (Large Hadron Collider de Genève etc.), en astronomie (télescope spatial Hubble etc.) est accessible seulement à des organisations capables d'en assurer le financement et de leur garantir une utilisation intensive.
La recherche des moyens financiers est donc une nécessité. Elle passe par la compétition, nationale et internationale, car les crédits, privés et gouvernementaux, vont aux laboratoires les plus renommés. Il n'y a là rien de fondamentalement nouveau : la recherche n'est que l'autre face de la découverte, et celle-ci exige que l'on soit le premier. Ce qui change, outre l'ampleur des moyens financiers aujourd'hui nécessaires, est l'utilisation de nouveaux critères d'appréciation : classements internationaux contestés comme celui de l'Université de Shanghaï ; prix dont certains, comme les Prix Nobel, arrivent des années après les découvertes ; évaluations chiffrées dont les éléments et outils sont objets de débats.
La compétition impose le secret jusqu'à ce que l'on soit sûr du résultat. La prise de brevets également, ainsi que les contrats avec l'industrie privée qui assurent une grande partie du financement de la recherche fondamentale. Or le chercheur a pour vocation de faire connaître ses résultats le plus généreusement et le plus largement possible. La science n'a pas de frontières. Tous les laboratoires, y compris en sciences humaines et sociales, comportent des associés ou des membres de plein droit étrangers. Tous sont en relation avec leurs homologues étrangers. Presque tous utilisent et en même temps contribuent à développer des outils à vocation mondiale, grands instruments ou bases de données électroniques. Que signifient dans ces conditions le secret et la compétition internationale ? Comment le chercheur doit-il se comporter ? N'y-a-t-il pas risque de dérive éthique ?
Ce sont ces questions que le colloque de rentrée 2010 a pour ambition d'évoquer. Le rôle joué hier et aujourd'hui par le Collège de France dans la recherche et l'enseignement de la recherche, le fait que nous soyons nous-mêmes confrontés à ces contradictions, nous donnent la possibilité et le devoir de le faire.