Les « ultra low velocity zones » (ULVZ), leurs caractéristiques, leur nature physico-chimique et leur rôle. Anisotropie à la base du manteau.
Nous avons présenté dans ses grandes lignes la structure tridimensionnelle du manteau de la Terre, telle qu’elle nous apparaît dans les modèles tomographiques d’ondes S, contrastant la structure à 100 km de profondeur, qui reflète la tectonique de surface, avec celle plus profonde, qui fait d’abord apparaître les plaques plongeantes en prolongement des zones de subduction (entre 400 et 670 km de profondeur), puis une structure à plus courte échelle dans le milieu du manteau, et pour finir, de nouveau une structure dominée par les grandes longueurs d’onde, lorsqu’on s’approche de la CMB (vers 2500-2800 km de profondeur). On observe aussi une augmentation de l’amplitude des variations latérales lorsqu’on s’approche de la CMB. Cette structure remarquable près de la CMB s’organise en deux zones quasi-équatoriales et antipodales de vitesses de cisaillement inférieures à la moyenne globale, entourées d’un anneau de vitesses plus rapides. La structure est dominée par une composante de « degré 2 », orientée de façon correspondante à une configuration stable des moments d’inertie de la Terre. Les deux zones lentes sont connues sous le nom de LLSVP (Large Low Shear Velocity Provinces) et parfois elles sont aussi surnommées « méga-panaches ». Leur nature (thermique/compositionnelle ?) et leur rôle dans la dynamique globale ne sont pas encore bien compris. On constate une asymétrie dans le profil des vitesses de cisaillement avec la profondeur, entre les LLSVP, où le gradient de vitesse est très marqué près de la CMB, et les régions de vitesse rapide qui les entourent, et où la vitesse augmente modérément avec la profondeur. Ceci est une indication possible d’une composante compositionnelle de ces structures. Une autre observation qui appuie la notion de composition distincte est le caractère très abrupt des bords des LLSVPs. Certains auteurs ont proposé que les LLSVPs seraient plus denses que les régions avoisinantes, sur la base d’observations de modes propres, mais ce résultat reste controversé.
D’autre part, la structure à la base du manteau est corrélée, dans ses plus grandes longueurs d’onde avec, d’une part la distribution des plaques plongeantes dans le manteau supérieur, et d’autre part, la structure en atténuation dans la zone de transition et la distribution des points chauds en surface, ce qui indique qu’il y a bien une composante thermique aux vitesses de cisaillement lentes des LLSVPs.
Deux scénarios contrastés sont proposés pour expliquer la présence des LLSVPs : ce sont soit des « réservoirs géochimiques » de matière primordiale, datant de l’époque où un océan de magma était présent dans une grande partie du manteau, soit la manifestation d’hétérogénéité compositionnelle et thermique introduite par les plaques tombées au fond du manteau.
Nous avons également décrit les observations qui ont conduit à la détection d’une discontinuité environ 200 km au-dessus de la CMB dans certaines régions, qui correspondent en général à des zones en dehors des LLSVPs. Il s’agit principalement d’observations de précurseurs aux ondes réfléchies sur la CMB, de type S (ScS) ou P (PcP), faites au moyen de réseaux sismiques régionaux. La discontinuité est plus franche en S (saut de vitesse de ~ 3 %) qu’en P (saut de 1 %) et se produit sur une distance verticale de moins de 70 km. Le saut en densité est plus difficile à contraindre et en général les observations de discontinuité en S et en P ne sont pas corrélées, ce qui est surprenant. Cependant, la réalité de cette discontinuité a été confortée récemment (2004) par la découverte, indépendante, de la transition de phase pérovskite → post-pérovskite (Pv → pPv), faite simultanément de manière expérimentale et par des calculs théoriques. Si la discontinuité sismique correspond effectivement à cette transition de phase, cela apportera dans un avenir proche des contraintes très précises sur la température à la base du manteau.