La matière est la base de tout langage. Des matières et des objets, nous avons extrait et mis en mots ce que nous considérons comme leur être propre. Ce faisant, nous avons créé un monde parallèle avec tout ce qui existe à l’intérieur de nos têtes. Chaque changement extérieur dans le monde matériel suscite une réaction à l’intérieur de nos têtes, et ces changements peuvent être aussi ténus que la différence entre un sourire affectueux et un sourire condescendant. Ainsi, le monde matériel est rattaché à nos pensées et à nos émotions. Ce sont ces émotions qui nous incitent à agir et à modifier la matière, à faire des objets adaptés à nos desseins, et cela nous donne plus de pouvoir sur la nature et sur les autres.
Changer la matière est devenu une spécificité humaine et nous avons créé des systèmes gigantesques dont la seule fonction est d’user autant de matière que possible. Ces systèmes qui, autour de nous, dominent tout et semblent être parfois notre seule raison d’exister ont transformé le monde matériellement et nous ont par conséquent façonnés nous-mêmes. L’économie et le fonctionnalisme sont les deux règles élémentaires que ces systèmes imposent aux formes et au sens. La rationalité des systèmes industriels produit un monde de formes simplifiées et appauvries. L’art et la sculpture en particulier sont parmi les rares productions humaines qui ne sont pas utilitaires et peuvent donc développer des formes nouvelles, lesquelles donnent à leur tour un langage nouveau, une pensée voire une orientation nouvelle.