Historiquement, c’est la neuropsychologie, c’est-à-dire l’étude des conséquences des lésions cérébrales, qui a permis les premières avancées dans la compréhension des mécanismes cérébraux des opérations linguistiques. Les premières observations conduisent rapidement à une dissociation entre l’aphasie de Broca avec agrammatisme, dans lequel on note un déficit massif de l’articulation et de l’organisation syntaxique de la phrase, et l’aphasie de Wernicke, dans laquelle ces fonctions peuvent être largement préservées. Dès les premières études de Paul Broca, la troisième circonvolution frontale inférieure de l’hémisphère gauche aire de Broca ») apparaît essentielle pour la production du langage articulé. Cependant, l’idée ancienne selon laquelle cette région n’intervient que dans la production du langage est aujourd’hui invalidée : les patients avec une « aphasie de Broca » éprouvent également des difficultés considérables à comprendre l’organisation des phrases qu’ils entendent, même dans des tâches qui n’exigent aucune production de parole. La compréhension et la manipulation des phrases sémantiquement réversibles, du type « le chat que le chien mord est noir », dans lesquelles seule la syntaxe permet de savoir qui fait quoi à qui, leur pose de grandes difficultés. Caramazza et Zurif (1976) concluent que « chez les aphasiques “de Broca”, le déficit affecte un mécanisme général de traitement du langage, impliqué dans la syntaxe aussi bien en compréhension qu’en production ».
Le rôle crucial de la région frontale inférieure gauche, mais aussi des régions supérieures du lobe temporal gauche, est rapidement confirmé, d’abord par la stimulation corticale directe, pratiquée au cours d’une intervention chirurgicale, puis par les premières études d’imagerie cérébrale en caméra en positons. L’IRM fonctionnelle contemporaine permet aujourd’hui d’identifier ces réseaux du langage en quelques minutes, par exemple en contrastant l’écoute d’une langue connue et celle d’une langue inconnue, ou en examinant quelles aires cérébrales se synchronisent, dans les cerveaux de deux personnes qui écoutent le même texte. Au sein de ce vaste ensemble de régions, la complexité syntaxique des phrases module spécifiquement l’activité de la région frontale inférieure gauche (l’« aire de Broca ») et d’une région postérieure du sillon temporal supérieur gauche. Ces deux régions apparaissent systématiquement activées dès qu’une personne doit manipuler mentalement des arbres syntaxiques de complexité variable.