Le cours de l’année dernière, « Parler aux "simples gens" : un art littéraire médiéval », avait un projet identifiable et circonscrit. Le point de départ était simple : contrairement à d’autres civilisations où la langue savante, même si elle n’est plus parlée couramment, reste pendant des siècles la seule langue de la culture écrite, les langues vernaculaires de l’Occident médiéval ont été très tôt écrites. Elles ont vu très vite leur littérature se développer à côté des lettres latines et bientôt les concurrencer victorieusement sauf dans le pur domaine de la pensée et du savoir. Cette accession rapide au statut de langues de culture, et de culture écrite, est due assez largement à la nécessité où étaient les clercs, qui détenaient, avec la connaissance du latin, le monopole de l’écriture, de passer par elles pour évangéliser la masse des fidèles, les « simples gens ». Les premiers monuments conservés de notre littérature témoignent de ce souci. Il est présent aux racines de cette littérature, si élitiste qu’elle se veuille d’autre part.
La vraie question n’est donc pas de savoir pourquoi la littérature en langue vulgaire s’adresse aux simples, mais de comprendre pourquoi très vite la littérature en langue vulgaire ne s’adresse pas seulement à eux, mais prétend au contraire s’adresser spécifiquement à un milieu restreint et raffiné. L’opposition n’est pas entre une littérature religieuse et une littérature profane, car la notion même de littérature profane n’a guère de sens au Moyen Âge ; elle est celle de la place des simples dans cette littérature qui, au départ, n’utilise leur langue que pour s’adresser à eux.
C’est pourquoi le cours commencé l’an dernier sous le titre « Parler aux "simples gens" : un art littéraire médiéval » se prolonge cette année avec un élargissement, sous le titre : « Parler aux simples, parler des simples. Conscience de la simplicité dans l’art littéraire médiéval ».