Le titre de ce cours pose deux questions. La première est de savoir qui sont les « simples gens » qu’il mentionne et pourquoi l’expression se trouve entre guillemets. La seconde est de savoir ce qui permettrait de supposer que la littérature médiévale s’adresse plus aux « simples gens » que celle d’une autre époque et de déterminer en quoi l’art littéraire médiéval prendrait en compte la parole aux simples gens, hypothèse qui ne va pas de soi tant le monde intellectuel et littéraire du Moyen Âge paraît élitiste intellectuellement et socialement.
« Les simples gens » est une expression de l’ancien et surtout du moyen français ; d’où les guillemets. Elle désigne les esprits simples, dépourvus de connaissances et de formation intellectuelles, généralement dans un contexte religieux et sans connotation péjorative. Son emploi se situe souvent dans le contexte pédagogique du souci de l’instruction religieuse et de la pastorale. Il existe ainsi un traité en français de la fin du XIVe siècle intitulé le Doctrinal aux simples gens : c’est un compendium des connaissances doctrinales qu’un curé doit enseigner à ses paroissiens.
La proposition de départ du cours est donc que le désir ou la nécessité de parler aux « simples gens » aurait eu un effet sur l’expression littéraire au Moyen Âge. Que cette proposition soit vraie s’agissant de la prédication au peuple ou de la littérature d’édification, on le devine aisément, si aisément que l’intérêt de la question paraît limité. Qu’elle soit vraie de façon générale serait plus intéressant mais paraît plus douteux s’agissant d’une littérature qui affiche constamment son mépris des vilains et dont le versant latin est si féru du modèle de la latinité classique. Il paraît absurde d’y chercher un art littéraire tourné vers les simples. Et pourtant cet art littéraire existe, fruit de contraintes qui ne s’exerçaient pas uniquement dans l’ordre de la pastorale, mais fruit aussi de choix esthétiques dont l’interprétation est ambiguë, mais l’existence indiscutable.