Le cours de l’année 2017-2018 commence à partir de l’année 1914 et aborde l’histoire politique du Moyen-Orient comme objet géopolitique. Cette question s’inscrit dans la continuité du travail du professeur Henry Laurens publié en 2017 et intitulé Les Crises d’Orient (1768-1914). Le but de cet enseignement est de montrer que la source des violences réside davantage dans la géopolitique que dans la culture. À cet égard, l’exemple le plus éloquent par ses échos contemporains est celui de l’Allemagne de Guillaume II qui a encouragé un vaste projet de jihad contre la France et l’Angleterre, connu sous le nom du « jihad made in Germany ». En dépit des travaux des émissaires
allemands qui sont allés jusqu’en Afghanistan, ce projet a échoué.
D’une certaine façon, la Grande Guerre pourrait être considérée comme une crise d’Orient ayant pris une dimension pluricontinentale. En ce qui concerne les causes de la guerre, certains historiens comme Pierre Renouvin ont fait la distinction entre les causes immédiates comme la gestion diplomatique de la crise engendrée par l’attentat de Sarajevo et les causes dites « profondes » telles que l’hostilité franco-allemande due à la perte par la France de l’Alsace-Lorraine, la rivalité navale anglo-allemande et l’affirmation des nationalismes dans tous les pays d’Europe. Pour la question d’Orient, la chronologie abandonne la délimitation 1914-1918, il s’agit d’une guerre de dix ans
(1912-1922), allant des guerres balkaniques à la guerre gréco-turque, voire de onze ans si la guerre italo-ottomane de 1911 est prise en compte.
La thèse principale avait déjà été développée il y a près d’un siècle par l’historien britannique Arnold Toynbee : la question d’Orient est représentée par la confrontation, dans cette région du monde, des puissances occidentales autour de différents intérêts économiques, stratégiques, coloniaux, etc. Par ailleurs, la question de l’occidentalisation des sociétés et ainsi l’adoption du modèle universel de l’État-nation s’imposent. Ceux qui avant 1914 étaient considérés comme des communautés au sens générique du terme deviennent à partir de 1919 des minorités. Autrement dit, le vocabulaire des traités concernant l’Europe centrale et orientale de 1919-1920 a été appliqué sur le Proche-Orient.