L’une des plus grandes découvertes récentes dans l’histoire des religions eurasiatiques a été la redécouverte massive de l’art didactique manichéen, grâce à des peintures réalisées en Chine du Sud entre le XIIe et le XIVe siècle, puis, dans des circonstances non éclaircies, transportées au Japon où elles ont été identifiées comme manichéennes ces dix dernières années.
Qu’est-ce que cela a à voir avec l’Asie centrale ? Beaucoup, car ces peintures ont un lien de filiation démontrable avec les seules peintures manichéennes connues auparavant : celles de Qocho au Xinjizang, aux IXe-Xe siècles. L’enseignement manichéen s’étant toujours appuyé sur des images, on peut être assuré qu’on voyait déjà des choses analogues dans les monastères manichéens de Bactriane et de Sogdiane aux VIe-Xe siècle, où ils formaient par endroits (notamment à Samarkand) une composante importante du paysage urbain.
Depuis le début de l’étude moderne du manichéisme, on a poursuivi deux folles espérances : trouver où le manichéisme s’était éteint (ou peut-être, qui sait, n’était pas complètement mort ?) ; retrouver l’Arzhang (ou Ardahang) de Mani : l’« Image » considérée comme une de ses neuf œuvres canoniques.
Les derniers manichéens : depuis 1957 en Chine (et 1988 en Occident), on sait que le dernier monastère repérable est au Fukien – la province en face de Taïwan –, près du grand port médiéval de Quanzhou ; la dernière inscription est de 1445, la dernière mention comme « temple de Mani » de 1615, après quoi à une date inconnue le lieu est abandonné, mais en conservant une statue de Mani encore reconnaissable et identifiée par une inscription. Il devait en fait y en avoir d’autres à la même époque, sans doute, pour certains, absorbés par des monastères bouddhiques. C’est en tout cas près de là, à Fuzhou, que Marco Polo rencontra en 1290 un groupe de manichéens qu’il prit pour des chrétiens. Tout récemment on s’est aperçu que dans une région voisine un groupe d’exorcistes taoïstes utilisaient toujours des textes manichéens transcrits en chinois, les « manuscrits Xiapu » (où Yoshida a pu retrouver par rétro-transcription des prières manichéennes parthes auparavant inconnues !).