Le cours de cette année a été consacré à un texte qui ne pouvait échapper à notre enquête sur la philologie de la civilisation japonaise. Il s’agit certes d’un ouvrage bien connu dans l’histoire de la littérature japonaise, ouvrage dont il existe près d’une dizaine d’éditions modernes commentées facilement accessibles, deux au moins ayant été publiées dans des collections de poche, ce qui nous donne une idée, sinon de sa popularité, du moins de sa diffusion dans une large partie du public cultivé (on a même vu un ancien romancier, devenu homme politique controversé, publier sa propre anthologie de 205 citations du Wakan rôei-shû, destinée effectivement à être lue à haute voix, conformément à l’acception la plus triviale du titre). Cette diffusion actuelle n’est pas une nouveauté : nous pouvons dire que le Wakan rôei-shû, puisque c’est l’ouvrage sur lequel nous nous sommes arrêtés, a toujours été fort lu et étudié depuis sa parution, au tout début du XIe siècle, aux alentours de l’an 1013, contemporain donc des plus grands textes littéraires de l’époque de Heian, et singulièrement du Genji-monogatari. Les raisons de sa vogue dans le Japon prémoderne sont très probablement celles que l’on évoque le plus souvent : ce recueil est un véritable compendium poétique, une encyclopédie allégée des plus célèbres poètes chinois et des poètes japonais de style chinois, ainsi qu’un florilège des anthologies poétiques japonaises. Ceux qui le possèdent, qui en connaissent par cœur les principales pièces, acquièrent au moindre prix un vernis de culture qui permettra de briller en société. C’est du moins l’un des usages que la postérité aura trouvé pour ce livre. Ce n’était certainement pas le propos originel de l’auteur, qui était probablement, nous le verrons tout à l’heure, d’ordre esthétique. C’est du moins la cause immédiate de cette compilation. Elle n’explique pas l’agencement des poèmes, ni celui des thèmes. C’est de ce côté qu’il convient de rechercher une intention d’ensemble, un propos cohérent qui préside à la structure du recueil. Il ne fut pas explicité par le compilateur, mais il est naturel pour nous de le rechercher, d’essayer de le mettre en lumière et de l’expliquer. Nous avons la chance de posséder plusieurs préfaces à cet ouvrage, toutes bien postérieures, œuvres d’auteurs différents mais qui ont en commun plusieurs points qui nous permettent peut-être de dégager d’autres préoccupations, chez ceux qui se sont intéressés de près au recueil, que celles qui amenèrent la plupart des lecteurs à ce livre, à savoir l’intérêt purement littéraire, culturel, voire pédagogique.
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Cours
La joute des langues : Le Recueil des poèmes chinois et japonais dignes d'être récités (Wa-kan rôei shû) (XIe siècle)
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