Mes recherches actuelles se penchent sur l’évaluation critique des défis rencontrés par la Banque centrale européenne (BCE) pendant la période 2007-2015, au moment où sévissaient la pire récession et la pire crise financière de l’après-guerre, et où la BCE devait faire face à la première crise majeure de son histoire.
La crise a constitué un test de robustesse du cadre général de la politique monétaire de l’Union monétaire européenne face à l’instabilité financière et à de grands chocs cycliques. Aujourd’hui, après 20 ans d’existence de l’euro, une évaluation du cadre de cette politique monétaire est nécessaire.
La Banque centrale européenne est une banque centrale sans Etat. Plus spécifiquement, il s’agit d’une banque centrale dont le capital est abondé par 19 Etats différents, qui possèdent chacun leur propre autorité souveraine en matière de politique budgétaire et, jusqu’à une date récente, leur propre autorité de supervision financière. Dans le cadre du Traité de Maastricht, la BCE a été conçue comme une banque centrale indépendante à laquelle on a confié une mission étroite centrée sur la stabilité des prix. Le Traité a créé un ensemble de règles afin d’organiser la relation entre autorités monétaires et financières, règles supposées assurer la « dominance monétaire », soit une hiérarchie au sein de laquelle l’objectif de stabilité des prix prévaudrait toujours en matière de décisions et de régulations effectuées par la Banque centrale européenne.
Cette hiérarchie explicite est cependant mise à mal à chaque crise financière, dans tous les pays concernés. Afin de préserver la stabilité financière, les banques centrales doivent en effet alors intervenir sur les marchés, d’une manière qui a inévitablement des effets distributifs et suscite un risque d’aléa moral. Pour l’Union monétaire européenne, ceci est particulièrement problématique car ces interventions seront probablement spécifiques à un pays donné, comme cela a été effectivement le cas. Dans cette situation, la banque centrale devient de facto un canal de transfert entre Etats membres, et ceci menace la cohésion de l’Union. Je tâche de montrer que cette cohésion est une condition nécessaire de la crédibilité de la Banque centrale européenne en tant qu’organisme prêteur en dernier recours, puisque ceci est directement relié à sa crédibilité financière. En l’absence d’un cadre institutionnel permettant d’assurer la coordination financière et monétaire, le pouvoir de la Banque centrale européenne d’arrêter des crises de liquidités auto-réalisatrices est sévèrement limité, et la zone euro est davantage exposée à des crises financières que d’autres ensembles régionaux.