Apothéoses
Un grand vent d’apothéose la secoue [scil.: « la nature entière »], et emporte tout, théâtralement. Ajoutons-y une sorte de modernisme qui – impatient – n’attend pas, pour accorder aux saints la glorification suprême, que leur réputation et l’action lente d’une dévotion séculaire les aient consacrés. Le Flos Sanctorum jésuite – et l’iconographie baroque – s’emplit rapidement de saints récents, on peut y voir l’indice d’une entière réconciliation avec la nature ; ces saints, ceux qui les trouvaient représentés par les artistes avaient pu les avoir vus et connus ; avaient pu être les témoins de leur vie corporelle : ce souvenir ne portait pas atteinte à l’apothéose passionnée. Apothéose de saint Ignace, de saint Alphonse-Marie de Liguori, de saint François-Xavier. En deux mots, la sensibilité de la Contre-Réforme porte en soi une sorte de croyance dans la naturalité du surnaturel […].
Aucune ouverture ne serait plus à même que celle-ci, avec pour guide Eugenio d’Ors, de nous conduire à l’« Essence du Baroque » [1], de nous suggérer la nature des « épiphanies baroques », cette nature fiévreuse et dynamique, qui tend à motiver le présent, la nécessité apologétique et ostensible de la croyance en l’Hoggidì (le « jour d’hui »). Contre toute lecture univoque, et réductrice, des legs de la Contre-Réforme, il faut évoquer aussi ce besoin de passion, de corps martyrs et triomphants, « anatomie sacrée » de viscères encore palpitants et déjà saints :
Di Teresa qui giace
De Thérèse ici gît
il core palpitante,
le cœur palpitant,
morto ancora vivace,
mort encore vif,
e senza vita amante. [2]
et sans vie aimant.