Sophia Aneziri est invitée par l'assemblée du Collège de France sur proposition de la professeure Vinciane Pirenne-Delforge.
Résumé
Les fondations sont un phénomène connu à différentes époques. Elles reposent sur la donation-transfert de biens mobiliers ou immobiliers et l’utilisation de ces revenus pour financer un objectif défini par le donateur. La protection des biens fait partie intégrante des fondations. Ceux-ci doivent être laissés intacts afin que l’objectif puisse être poursuivi dans le temps (idéalement pour toujours).
À l’échelle internationale, l’intérêt pour le phénomène des fondations au fil du temps est évident. En 2020, Borgolte a publié un ouvrage de 800 pages intitulé « World History as a History of Foundations », qui examine les fondations religieuses depuis la Mésopotamie et l’Égypte pharaonique jusqu’aux monastères de l’Inde et de la Chine, en passant par l’Occident médiéval. Le contexte politique des fondations est mis en exergue dans un ouvrage collectif intitulé « Stiftungen zwischen Politik und Wirtschaft. Geschichte und Gegenwart im Dialog », publié en 2015 et édité par S. von Reden. Ici, les fondations de l’époque moderne et contemporaine sont également prises en compte et un dialogue est établi entre le passé et le présent.
Les fondations de l’antiquité grecque constituent le matériau sur lequel s’appuiera ce cycle de conférences. Bien qu’il s’agisse d’un phénomène diachronique, les fondations ne peuvent être pleinement comprises que dans le contexte politique, social, économique et culturel de leur époque et, en même temps, elles aident considérablement à comprendre ce contexte. Elles seront examinées, lorsque la méthodologie le permet, sur le long terme, c’est-à-dire depuis les premiers témoignages du IVe siècle avant J.-C. jusqu’à l’époque romaine, mais en plaçant l’accent sur les cas hellénistiques et leur contexte historique
Ce qui fait la spécificité des fondations grecques anciennes et qui, à ce jour, n’a pas été mis en évidence et analysé dans la bibliographie sur le thème, c’est la facilité avec laquelle elles se déplacent, à tous les niveaux, entre le privé et le public, l’individu et la communauté, recouvrant les intérêts et les préoccupations des deux parties, et installant fermement le chercheur dans un processus de remise en question et, éventuellement, de déconstruction des catégories et des divisions communément admises. Puisqu’elles forment, par définition et dans leurs manifestations individuelles, au niveau juridique et administratif, mais aussi sur le plan des objectifs qu’elles poursuivent et des attentes qu’elles induisent, un domaine dans lequel l’individu et la collectivité se rencontrent et dialoguent de manière dynamique et systématique, les fondations confirment que, dans le monde grec ancien, le traitement du public et du privé comme deux domaines distincts ne constitue pas un point de départ méthodologiquement sûr pour la réflexion.
Les quatre conférences de ce cycle aborderont le vocabulaire et la terminologie propres à ces phénomènes, ainsi que leurs caractéristiques juridiques, économiques et administratives, les objectifs poursuivis par les donateurs, et les effets induits sur la cohésion de la communauté et d’autres aspects de la vie collective. En tant qu’outil dont la caractéristique fondamentale est la durée dans le temps, les fondations grecques antiques seront considérées comme un lieu où l’individu et la communauté sont, à tous les niveaux (institutionnel, social, économique), absolument interconnectés, et où ils interagissent dans l’élaboration de leur histoire et de leur mémoire.