Résumé
En 1997 paraissait La Concurrence des victimes. La réception en fut très mitigée, suscitant des cris d’orfraie plus ou moins sincères. Depuis lors, l’utilisation de l’expression s’est banalisée et le livre a largement droit de cité dans la littérature académique. Cependant, au moins deux évolutions notables se sont produites depuis. D’une part, la réhabilitation des victimes de la Shoah, longtemps associées à une lâche passivité face à leurs bourreaux, s’est poursuivie jusqu’à aboutir à une sanctification des plus pestiférées d’entre elles jadis, les membres des Sonderkommandos. Étroitement associée avec la montée en puissance d’une éthique de la survie, cette évolution a paradoxalement éclipsé la figure de la victime en lui substituant celle du « survivant » ou du « résilient ». D’autre part, de nombreux acteurs nouveaux, porte-parole d’autres victimes, alimentent désormais les polémiques avec d’autres agendas revendicatifs. La revendication de l’unicité de la Shoah et les argumentaires indigents qui l’étayaient ont quasiment disparu de la scène, tandis que d’autres argumentaires arguent de l’unicité des traites négrières ou des colonisations. La conférence sera consacrée à l’analyse de ces deux évolutions.