En 1990, Jacques Revel, alors rédacteur des Annales, m'écrivit qu'un article que j'avais soumis à cette revue avait suscité le débat le plus âpre de l'histoire du comité de rédaction. En fin de compte, le comité l'a refusé et je l'ai publié l'année suivante, dans le Journal of Social History (1991) : « Social and geographic mobility in early modern France ». Dès la parution de cet article, des collègues français, surtout Alain Croix et Jean-Pierre Poussou, ont soutenu une controverse autour de la question « mobilité-sédentarité » dans la société de la France moderne. La documentation de base des annalistes, soulignant une société immobile, était l'état civil, et surtout les taux d'endogamie. Mais si l'on interrogeait d'autres sources - rôles d'impôts, registres de translation de domicile (Normandie, Champagne), recherche des feux (Bourgogne) - quelle serait la réponse ? Foucault a souligné la rupture qui existe à l'époque moderne entre des descriptions de la société par des élites modernes mettant en avant la mobilité, dont ils ont peur, et la réalité d'une société immobile. Il se sert, bien entendu, des données des meilleurs spécialistes de son temps : les annalistes. Mais si les annalistes avaient tort ? Si la France moderne, comme le disaient des élites de l'époque, avait vraiment été une société mobile, que faire alors de l'analyse de Foucault sur la naissance de la société répressive ?
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