du au
Voir aussi :

« Les Lumières » désignent habituellement un mouvement intellectuel qui s’est développé en Europe au XVIIIsiècle. On débat de ses limites, de son unité ou de sa cohérence, de ses héritages aussi, mais son ancrage dans ce moment et ce lieu spécifique de l’histoire mondiale est rarement contesté.

Ce colloque souhaite explorer une autre approche, selon laquelle l’Europe n’a pas le monopole des Lumières. Certains de leurs traits caractéristiques (l’affirmation de la liberté de philosopher contre les dogmes religieux ou politiques, le libéralisme politique fondé sur les droits naturels, la valorisation du progrès scientifique et technique, l’idée d’une commune humanité) se retrouvent dans différentes sociétés, à différentes époques, de l’Andalousie médiévale au Japon de Meiji, de l’Amérique du Sud au moment des Indépendances à la Chine de 1919. On peut faire l’hypothèse que le XVIIIe siècle européen ne représente qu’un épisode, certes historiquement important, d’une histoire plurielle des Lumières.

Prendre au sérieux la multiplicité des Lumières implique de renoncer à toute perspective diffusionniste. L’initiative des acteurs locaux (savants, traducteurs, réformateurs, modernisateurs), le rôle des intermédiaires, le poids des contextes politiques, sociaux et culturels seront scrutés. Les textes et les idées circulent, mais de façon souvent inattendue, par le jeu des traductions, des appropriations, des redéfinitions, formant des configurations spécifiques et des traditions hybrides.

Parallèlement, une attention critique sera portée aux opérations historiographiques qui désignent des courants de pensée ou des moments historiques à travers la catégorie « Lumières » : rarement neutres, ces opérations répondent souvent à des objectifs indissociablement intellectuels et politiques. Il en va de même de l’identification des Lumières à l’Europe qui doit être comprise comme le résultat d’une tradition historiographique remontant au XVIIIe siècle et demandant à être interrogée.

L’histoire des « lumières multiples » ne vise donc pas à faire des Lumières un concept global et homogène, mais à pluraliser leur histoire et leur héritage, afin de leur redonner leur charge critique et leur actualité.

Programme