Les notions d’espace public et d’opinion publique, qui ont servi depuis trois décennies à penser les transformations culturelles et politiques du XVIIIe siècle, ont épuisé une grande part de leur efficacité interprétative. Il est temps de changer de paradigme. L’hypothèse de ce colloque est que les Lumières sont indissociables d’une véritable « révolution médiatique » qui a eu des conséquences systémiques, aussi bien sur la circulation de l’information que sur les pratiques culturelles et politiques, les formes d’écriture et la fabrique des identités individuelles et collectives. Les nouvelles pratiques de lecture, l’essor des journaux et les mutations de la culture visuelle conduisent à autonomiser la communication médiatique, pourvue d’une logique propre, de dispositifs de captation de l’attention et d’une dynamique souvent transnationale. Des « communautés médiatiques » adoptent des comportements intellectuels et affectifs distincts et commencent à se penser comme des « publics ». Il en résulte l’émergence de phénomènes aussi divers que la célébrité, la mode, la spéculation boursière, les scandales, et l’actualité politique. Dès lors, comment les élites culturelles, financières mais aussi politiques s’adaptent-elles à ces nouvelles dynamiques de circulation de l’information, qui impliquent des formes inédites de contrôle mais aussi de nouvelles possibilités d’action ?
Comment les hommes et femmes des Lumières utilisent-ils les nouvelles ressources médiatiques pour toucher de nouveaux publics ? Comment, en sens inverse, une nouvelle culture médiatique, liée à des logiques économiques et publicitaires spécifiques, façonne-t-elle ce que nous appelons « les Lumières » ? Comment les philosophes, les écrivains et les autres acteurs culturels réagissent-ils à cette transformation des conditions d’exercice de la pensée et de circulation des connaissances, qui leur apparaît à la fois comme une ressource et une menace ? Pourquoi la figure du journaliste est-elle autant critiquée ? On s’interrogera ainsi sur la constitution d’un « imaginaire médiatique », nourri par les réflexions pragmatiques, utopistes ou critiques que suscite la culture médiatique du XVIIIe siècle.
Comité d’organisation : Laurent Cuvelier, Gabriela Goldin Marcovich, Antoine Lilti, Julia Marchevsky, Matthew McDonald, Maximilien Novak, Roberto Paiva, Suzanne Rochefort, Christoph Streb.
Colloque organisé avec le soutien de la Fondation Hugot et de l’Institut historique allemand.