Présentation de la chaire
Les travaux de Claude Lévi-Strauss ont grandement contribué à susciter un nouvel essor de la recherche anthropologique et de l'ethnologie de terrain en France.
Son œuvre s'est progressivement révélée, en France et à l'étranger, comme la contribution majeure à l'anthropologie contemporaine. Ce sont d'abord les questions qu'elle pose et la manière dont elle les pose qui ont bouleversé profondément les perspectives antérieures, obligeant la plupart des anthropologues soucieux de rigueur scientifique, qu'ils soient ou non en accord avec elle, à considérer leurs objets très divers d'un regard neuf et à redéfinir des positions.
Nous serions tentés de dire qu’aucun anthropologue n'a exercé, jusqu'ici, un tel rayonnement intellectuel touchant toutes les disciplines qui s'intéressent à l'homme et à ses œuvres, si ce n’est Claude Lévi-Strauss lui-même qui, lors de sa leçon inaugurale le 5 janvier 1960, n’eut de cesse de rappeler le nom de quelques grands maîtres tels Durkheim, Mauss ou bien encore Espinas dont disait-il « nous nous offrons le luxe d’oublier leur contribution ».
L’enseignement de sa chaire était indissociable des travaux de son laboratoire. Il concevait et organisait de nombreuses missions sur les différents continents. En 1959, Claude Lévi-Strauss rappelait que rien n’illustrait mieux cet aspect de son activité que la découverte en Terre de feu par un de ses membres, de la dernière indienne Ona, âgée alors de 95 ans, dont il avait capté sur bande magnétique l’ultime témoignage d’une culture qui fut jadis fameuse et qui était appelée à disparaître à son décès.
L’activité propre de la chaire avait une orientation théorique du fait même de son titulaire. Les ouvrages publiés par M. Lévi-Strauss, à partir de l’existence de la chaire, exposent des résultats dont on a toujours pu trouver la primeur dans son enseignement au Collège de France. Ainsi la substance de La Pensée sauvage, Le Totémisme aujourd’hui, provient des cours de l’année 1961-1962, le Cru et le cuit des cours de 1962-1963, Du Miel au cendres de ceux de 1963-1964 etc.
Lors de son dernier cours au Collège de France, en 1982, Claude Lévi-Strauss concluait par ces mots : « L’ethnologie aura longtemps pour mission principale de recueillir tout ce qu’il est encore possible d’apprendre sur des croyances, des coutumes, et des institutions qui constituent autant de témoignages irremplaçables de la richesse et de la diversité humaine. Mais il est bon que les ethnologues, sans faillir à leur obligation première, se penchent aussi sur ces franges d’interférence où les informations provenant de sociétés les unes très proches, les autres très lointaines, s’annulent parfois et plus fréquemment se renforcent. C’est une des tâches de l’anthropologie d’aujourd’hui ; ce sera, davantage encore, une de celles de l’anthropologie de demain ».