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Présentation
Les traces numériques de l’activité des individus, des entreprises, des administrations, des réseaux sociaux sont devenues un gisement considérable. Comment ces données sont-elles prélevées, stockées, valorisées, et vendues ? Et que penser des algorithmes qui convertissent en outil de contrôle et de persuasion l’information sur les comportements, les actes de travail et les échanges ? Les big data sont-elles à notre service ou font-elles de nous les rouages consentants du capitalisme informationnel et relationnel ? Les sciences sociales enquêtent sur les enjeux sociaux, éthiques, politiques et économiques de ces transformations. Mais elles sont elles aussi de plus en plus consommatrices de données numériques de masse. Cet ouvrage collectif explore l’expansion de la traçabilité numérique dans ces deux dimensions, marchande et scientifique.
Pierre-Michel Menger est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Sociologie du travail créateur.
Simon Paye est maître de conférences à l’université de Lorraine, sociologue du travail et des groupes professionnels.
Sommaire
Pierre-Michel Menger – Introduction
Partie 1. Cheminements des big data : technologies, marchés, échanges
Franck Cochoy et Jean-Sébastien Vayre – Les big data à l’assaut du marché des dispositifs marchands : une mise en perspective historique
Bernard E. Harcourt – Gouverner, échanger, sécuriser
Guillaume Tiffon – La contribution des internautes aux big data : un travail ?
Partie 2. Big data et configurations sociales en mouvement
Éric Dagiral et Sylvain Parasie – La « science des données » à la conquête des mondes sociaux : ce que le « Big Data » doit aux épistémologies locales
David Pontille et Didier Torny – Infrastructures de données bibliométriques et marché de l’évaluation scientifique
Jérôme Denis et Samuel Goëta – Les facettes de l’Open Data : émergence, fondements et travail en coulisses
Partie 3. Données numériques et outils de recherche en sciences sociales
Jean-Samuel Beuscart – Des données du Web pour faire de la sociologie… du Web ?
Dominique Boullier – Pour des sciences sociales de troisième génération (SS3G)
Simon Paye – Postface
Extraits
« Les données peuvent être prélevées sur les individus à leur insu. Mais les données émises par chaque individu constituent aussi un bien ou un service qui pourra lui être vendu pour lui permettre de connaître et de contrôler son environnement, sa santé, sa sécurité, ses déplacements, ses relations, ses transactions, ses interactions de sociabilité : c’est le quantified self. Or la qualité de ce service marchand de quantification individualisée dépend de l’exploitation à grande échelle des données recueillies […]. Un ensemble de techniques et d’algorithmes qui nous renseignent sur notre état de santé, sur les qualités de notre nourriture, sur les variations de notre état physique au travail et sur toute autre dimension de notre comportement augmentent la puissance des services marchands qui nous sont vendus, mais ils peuvent alimenter aussi les bases de données qui sont exploitées par la recherche publique à des fins d’intérêt général. Comment établir une distinction stable et efficace entre ce qui sera extrait de nos données personnelles pour améliorer le bien public fondé sur la connaissance, et ce qui, à travers les multiples canaux de diffusion possibles des données, alimentera des usages commerciaux et servira des intérêts particuliers ? »