Résumé
Tout héros qu’il est, Ulysse résiste aux chants des sirènes et demande à être attaché au mât du navire. Le fils de Laërte met toute son ardeur à ne pas prendre part à ce qui attire son équipage. S’y soumettre signifierait le terme du voyage. De même, le poète oppose une résistance farouche à l’attraction du savoir. Non pas qu’il soit contre le savoir, au contraire, mais obstinément, avec entêtement il cherche à garder inaccessible un fragment qui échappe depuis toujours au savoir. Si chaque objet a une ombre portée, le savoir aussi à la sienne, zone, paradoxalement, dont il est lui-même la raison et qui lui est interdite. Qui lui est, par définition, impossible d’éclairer de ses lumières. Pour s’aventurer dans cette ombre, il faut impérativement un Stolker. Certaines choses donc ne s’enseignent pas. Non seulement elles ne s’enseignent pas, mais l’acte de vouloir les enseigner les annule aussitôt. Elles doivent leur présence à l’effacement de la raison. Peut-être à une folie, à une transe, une perte, une dérive. Peut-être aussi, sans doute même, au sang qui est pour beaucoup dans l’ardeur d’une ombre qui trouve ses origines dans les profondeurs de nos violences et nos barbaries. L’une étant l’écho de l’autre, pour qui alors se penche vers l’écriture apprend, et parfois à ses dépens, que tout comme tomber dans le vide ne s’apprend pas, écrire ne s’enseigne pas plus. Il s’agira d’essayer de comprendre pourquoi.