Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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À partir de la fin de l’année 1929, Wittgenstein a consacré un nombre assez important de remarques à la critique des images philosophiques qui sous-tendent la recherche d’un mode de reproduction particulièrement immédiat de la spatialité (et de la temporalité) propre(s) aux sensations visuelles. Que l’on pense, par exemple, à sa critique du dessin de Mach censé figurer le flou des figures aux bords du champ visuel (monoculaire), à celle du kaléidoscope (Guckkasten) ou encore de l’écran de projection censés figurer l’espace privé de manifestation des images visuelles au « sujet » voyant. (PB § 213 ; BT §§ 97-98) Dans tous ces cas, l’erreur réside, selon Wittgenstein, dans l’utilisation subreptice d’une image (d’une représentation en deux ou trois dimensions) d’origine physique pour décrire la spatialité (et la temporalité) propre(s) aux « données » de la sensation visuelle. C’est cette confusion grammaticale qui est à l’origine notamment du postulat philosophique erroné de l’existence d’une image intérieure, correspondant à ce qu’on serait alors tenté d’appeler le contenu phénoménal (spatial et temporel) de l’expérience.

La question que nous voudrions poser est celle de savoir ce qu’il advient au juste de cette critique dans la deuxième moitié des années 1940 au moment où Wittgenstein introduit le concept de contenu de vécu (Erlebnisinhalt) pour effectuer une démarcation grammaticale entre différents types de phénomènes psychologiques. S’il reprend manifestement certains aspects de cette critique dans ses écrits de 1946-7, ceux qui concernent en particulier « le mythe de l’image intérieure » (BPP II, § 109), comment expliquer qu’il réhabilite par ailleurs certains usages du concept de contenu en montrant non seulement que nous disposons d’un critère grammatical de ce que nous voulons désigner par ce terme mais qu’il est également possible de décrire (ou de se représenter) sous l’image du contenu (Ms 134, 84-5) des expériences non-perceptives comme les douleurs, les émotions et même certains phénomènes psychologiques que nous ne serions pourtant pas enclins à appeler des « expériences » (comme le souvenir et le vouloir-dire) ?

Intervenant(s)

Ludovic Soutif

Collège de France