La situation de guerre dans laquelle l’Afghanistan est plongé depuis 1975 n’a pas entraîné la disparition de toutes les institutions culturelles. Leur activité fut jusqu’en 2001, date de l’intervention américaine, ralentie ou réduite à rien, mais une partie des personnels est restée en place et leurs salaires ont été plus ou moins régulièrement versés. C’est ainsi que l’Institut afghan d’archéologie a pu reprendre ses activités, dans des conditions très difficiles, à partir de 2003, grâce aussi au soutien financier de plusieurs organisations étrangères dont la Délégation archéologique française en Afghanistan.
Une première série de fouilles eut lieu à Caboul même et dans les environs immédiats à la recherche de vestiges de monuments bouddhiques. Elle aboutit à la découverte d’un grand monastère situé au sud de la ville, le monastère de Tepe Narenj. M. Zafar Païman, qui dirigeait cette fouille, en a rendu compte dans une conférence donnée au Collège de France le 17 février 2009. Il publiera en 2013, dans les publications de l’Institut d’études indiennes du Collège de France, le rapport final de ses dix campagnes de fouilles (2004-2012) sur ce site.
Toutes les forces de l’Institut afghan d’archéologie sont engagées depuis 2009 dans la fouille de sauvetage d’un immense site, Mes Aynak, situé 30 km à l’est de Caboul sur un gisement de cuivre considéré comme l’un des plus grands au monde. La concession de la future mine a été confiée à une compagnie chinoise qui doit commencer à l’exploiter en 2013, ce qui entraînera la destruction des sites archéologiques. Le contrat conclu entre la compagnie chinoise et le gouvernement afghan prévoyait que celle-ci financerait la fouille. La somme a été effectivement versée (le contrat est secret, mais on parle de 25 millions de dollars) et, après quelques péripéties, la Banque mondiale fut chargée de la supervision des fonds. La fouille se déroule dans des conditions politiques, administratives et financières pour le moins complexes. Les archéologues afghans (logés à la dure à côté de bâtiments confortables réservés aux étrangers) et les ouvriers ont souvent dû attendre plusieurs mois le versement de leur salaire. La Délégation archéologique française en Afghanistan a assuré la conservation sur place de quelques peintures, mais les autres découvertes, dont des statues en terre colossales, attendent toujours une consolidation minimale, car les produits nécessaires à celle-ci n’ont pu être achetés, faute de fonds. On constate, sans pouvoir vraiment l’expliquer, l’absence de mesures prises pour permettre une publication scientifique : pas de journaux de fouilles, pas de relevés d’architecture, pas de localisation précise des monnaies et tessons, etc. Dans ces conditions difficiles, les archéologues afghans ont fait de leur mieux et mis au jour un ensemble impressionnant de monuments et de documents. M. Fussman et M. Ollivier, en mission d’information sur le site en 2011 et 2012 à l’invitation de la Délégation archéologique française en Afghanistan, purent le visiter de manière détaillée sous la conduite de M. Khair Muhammad Khairzada, directeur à l’Institut afghan d’archéologie en 2011 et directeur de la fouille jusqu’à l’été 2012. Il fut convenu que celui-ci viendrait exposer les tous derniers résultats des travaux à la fin imposée de ceux-ci, en novembre 2012. À l’invitation des professeurs Jean Kellens et Gérard Fussman (aujourd’hui professeur honoraire), M. Khair Muhammad Khairzada a donc donné le jeudi 29 novembre 2012 une conférence sur « Mes Aynak, un site majeur pour l’histoire du bouddhisme et de l’économie en Afghanistan ». La conférence a eu lieu en dari (persan d’Afghanistan), avec traduction en français, dans une salle pleine et très attentive. Le nom de Mes Aynak commence en effet à être connu parmi les archéologues et nombreux sont à Paris les savants intéressés par ce type de site dont la fouille apporte des indications importantes sur la survie du bouddhisme et de son art en Afghanistan et Asie centrale et sur l’histoire économique de ces régions.