Résumé
Si l'on doit juger le développement par la capacité des pays en développement à rattraper les pays développés et à diminuer la pauvreté, les performances de ces dernières décennies sont mitigées. Certains pays, notamment en Asie et la Chine en premier lieu, ont connu un indéniable succès. En revanche les niveaux de vie de l'Amérique latine sont restés à peu près au même niveau par rapport à la moyenne mondiale, tandis que plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne ont vu leur retard initial s'accentuer. En proportion de la population mondiale, la pauvreté a diminué. Mais, en nombre absolu de pauvres, ce n'est que sur les toutes dernières années qu'elle a commencé de régresser. Et, dans les deux cas, le progrès se doit avant tout aux performances exceptionnelles de la Chine, où le nombre de pauvres a diminué d'environ 400 millions de personnes depuis 20 ans ! Aujourd'hui, 1,3 milliard d'habitants de la planète vivent dans le dénuement avec moins de 1 € par personne et par jour, en pouvoir d'achat des pays développés, pour subsister et 80 % d'entre eux vivent dans la péninsule indienne ou sur le continent africain.
Que faut-il conclure de ce constat ? Très certainement que la quête d'une recette universelle assurant le décollage économique des pays en développement n'a pas été couronné de succès. Seuls quelques pays peuvent faire état aujourd'hui de véritables résultats. Pourtant, la façon dont économistes, praticiens et décideurs abordent les questions de développement a profondément évolué, sans pour autant que, en dehors des cas cités, la réduction de la pauvreté s'accélère de façon notable. Il y a 40 ou 50 ans, la modélisation macroéconomique et la planification dominaient l'économie du développement, discipline naissante. Combien fallait-il investir, dans quel secteur ou quelle infrastructure pour garantir un taux de croissance annuelle du PIB par tête de x % pour les prochaines 5 ou 10 années ? L'approche du développement a ensuite évolué pour redonner au marché et aux politiques d'incitation à l'initiative privée la place qui leur convenait sans pour autant que, en dehors de périodes de conjoncture internationale favorable, la croissance des niveaux de vie s'accélère notablement dans l'ensemble du monde en développement. Aujourd'hui les questions que se posent chercheurs et décideurs sont d'une toute autre nature. Pour nombre d'entre eux, elles concernent beaucoup plus directement que dans le passé les individus et les ménages, leurs conditions de vie et la façon de les améliorer. Comment transférer de façon efficace un complément de pouvoir d'achat aux plus pauvres, comment encourager la scolarisation, comment améliorer l'efficacité de l'enseignement primaire ? Les programmes de microcrédit ont-ils effectivement un impact significatif sur la pauvreté ? Quel est l'impact d'un programme de distribution de moustiquaires sur la malaria ? Pour d'autres, la réflexion porte plutôt sur le rôle des institutions et celui des élites politiques et économiques et leur caractère plus ou moins « développementaliste ». Il faut attendre pour voir si cette nouvelle approche débouchera sur un progrès et sur un rattrapage plus uniforme des pays en développement sur les pays riches.