Résumé
L’Égypte est le pays qui connaît l’épidémie d’hépatite C la plus importante au monde. On doit cette épidémie à la transmission du virus de l’hépatite C lors des campagnes de traitement de la bilharziose par injections intraveineuses de sels d’antimoine pendant les années 1960 et 1970. Avec l’arrivée des premiers tests diagnostiques dans les années 1990, le gouvernement égyptien prend conscience de l’ampleur du désastre, alors qu’apparaissent cirrhoses et cancers du foie, complications tardives de l’infection. En 2008, lors d’une enquête sur un échantillon national représentatif, la prévalence des infections chroniques est estimée à 10 % chez les adultes, soit 6 millions d’infection dans le pays. Mais du fait de la très longue incubation de la maladie (20 à 30 ans), le pire reste à venir : les travaux de modélisation montrent en effet que le pic de mortalité par cirrhose devrait survenir en 2020, et par hépato-carcinome en 2035.
Plusieurs études cas-témoins dans les hôpitaux du Caire et plusieurs études de cohorte en zone rurale, identifient les facteurs associés avec la transmission du virus dans les années 2000 : il s’agit avant tout d’injections médicales et de perfusions par voie intraveineuse, d’actes chirurgicaux, et de soins dentaires à type de détartrage. La transmission au sein d’un même foyer reste limitée, estimée à 5 % des nouveaux cas. Alors que les programmes de prévention (limitation des injections, utilisation de matériel à usage unique, et stérilisation des appareils à usage répété) se mettent en place, le gouvernement égyptien décide de lancer un programme national de traitement pour la prise en charge des patients chroniquement infectés. Alors que l’association interféron pégylé et ribavirine permet de guérir 60 % des patients, au prix d’un traitement long, pénible, et cher (plusieurs milliers d’euros), les premiers antiviraux à action directe font leur apparition au milieu des années 2010. Ces traitements, pris pendant 12 semaines par voie orale, ont peu d’effets indésirables, et des taux de guérison supérieurs à 95 %. Le gouvernement égyptien opte pour la production locale de génériques de ces traitements, et parvient à les fournir à des coûts 1 000 fois inférieurs à ceux pratiqués dans les pays industrialisés (74 dollars contre 75 000 dollars pour l’association sofobusvir-daclatasvir). Depuis octobre 2018, l’Égypte a entamé une campagne nationale de dépistage portant sur 65 millions d’individus. La route vers l’élimination est encore longue, mais les progrès réalisés en Égypte ont été remarquables après la prise de conscience de la gravité de la situation.